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Le P.P.A. Parti du Peuple Algérien (Messaliste)

Arslane

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Posté le : 22/10/2006 à 08:56 (Lu 25026 fois)
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Commentaire :  Et.. les Messalistes ne furent jamais sur la liste de l'histoire..


70ème anniversaire de la fondation du PCA
Naissance du PCA, sur les terrains du national,
du social et de la lutte anti-impérialiste mondiale
Sadek Hadjerès
3e Partie Et Fin



L’ENA, interdite plusieurs fois en France, a continué ses activités sous de multiples appellations (La Glorieuse Etoile en 1933, puis les Amis d’El Oumma en janvier 1937). Ses militants se battront vigoureusement en 1936 aux côtés des travailleurs français pour la mise en échec des menées fascistes. L’ENA donnera naissance l’année suivante, au PPA (Parti du Peuple Algérien) à Nanterre dans la banlieue parisienne. C’était en mars 1937, une année après que Messali, devenu leader de cette formation, avait été libéré par le gouvernement du Front Populaire de l’exil en Suisse auquel l’avait condamné le gouvernement de droite précédent. Il était arrivé à Alger en août 1936, au moment même où le Congrès Musulman Algérien tenait un rassemblement de 10 000 personnes au Stade municipal de Ruisseau (aujourd’hui Al-Anasser).

Il reste que la particularité de l’Algérie, à la fois pays musulman et colonie de peuplement européen, rendait plus complexes les problèmes d’une structuration organique capable de mieux faire converger les combats menés avec des motivations et des abnégations différentes par les secteurs les plus avancés de ces deux composantes actives de la population.

Les documents et les témoignages vivants que j’ai eu l’occasion de recueillir sur cette époque me font penser qu’il y a eu, aussi bien de la part de l’Internationale communiste que de nombreux acteurs algériens et français, une volonté récurrente et nettement affirmée d’édifier dans les plus brefs délais une organisation communiste algérienne autonome, résolument acquise à l’objectif stratégique d’indépendance et se distinguant par son enracinement à la fois social, national et organique dans le prolétariat autochtone. Dans le même temps, plusieurs facteurs ont retardé, freiné ou édulcoré cette exigence organique.

Parmi les obstacles, il y a eu au sein des appareils du PCF dont dépendaient directement les organisations communistes algériennes jusqu’en 1936, des pesanteurs de plusieurs sortes. Elles conjuguaient à la fois des pratiques bureaucratiques et des appréciations tactiques unilatérales ou dogmatiques sur les réalités algériennes. Elles ont poussé le PCF à des erreurs d’optique, considérant la contribution, stratégiquement justifiée, du peuple algérien à la bataille mondiale contre la montée du fascisme, dans les mêmes termes et modalités que celle du peuple français. Les instances dirigeantes du PCF avaient pourtant eu le mérite de proclamer et promouvoir dans des contextes politiquement difficiles l’esprit de la solidarité de lutte. Elles ont plusieurs fois montré du doigt les dérives qui sont parvenues à infléchir leurs orientations tactiques ou leurs pratiques courantes. Mais à plusieurs reprises leurs dirigeants et militants à tous les niveaux ne sont pas sortis indemnes du bain dans lequel la bourgeoisie capitaliste maintient la société française, sur la toile de fond d’une désinformation et d’un francocentrisme renforcés par l’imprégnation subtile de l’idéologie coloniale, dans sa version «soft» et paternaliste (la «mission civilisatrice», les Lumières, Victor Hugo, etc,).

Luttes inaugurales de 1936
et premiers enseignements

Quoi qu’il en soit, la fondation du Parti Communiste Algérien à l’automne 1936, si elle doit beaucoup au stimulant externe qu’a été le mouvement communiste international à travers le PCF, a été un processus endogène, lié à la montée du mouvement anticolonial et national algérien dans toutes ses dimensions et ses composantes.

Ce processus aurait été impossible, ou il se serait réduit à l’agitation symbolique de groupuscules, comme il y en a eu toujours et partout se réclamant du communisme, s’il n’avait pas reposé sur un bouillonnement d’actions exceptionnel à la base de la population laborieuse musulmane exploitée.

Comme les autres composantes organiques nationales qui ont émergé alors, le PCA n’est pas tombé du ciel ou d’outre Méditerranée. Le Congrès constitutif d’octobre 1936 à Alger est le prolongement des actions de masse dans toute l’Algérie, qui restent méconnues quand on s’en tient à la seule chronique des appels, initiatives, programmes, décisions et résolutions au sommet. Celles-ci ne seraient rien sans leur substance vivante, leur base dynamique, le mouvement social des dizaines de milliers de travailleurs dans les usines, les chantiers, les domaines depuis Maghnia jusqu’à Souk Ahras en passant par la Mitidja, la région de Tiaret, de Jijel, de Mostaganem, du Kouif, de Sidi Bel-Abbès (surnommé par les fascistes «le petit Berlin»).

C’était les usines d’Alger comme les tabacs Bastos de Bab El-Oued, où les femmes ouvrières, dont la moitié étaient des musulmanes, ont occupé l’usine assiégée pendant plus d’un mois avant leur victoire. C’était les manifestations de rues où au lieu de fuir comme d’habitude les manifestants ripostaient avec ce qu’ils trouvaient sous la main et ont même envahi le commissariat central. Des actions qui ont affolé les autorités coloniales et surpris et enthousiasmé les responsables syndicaux habitués jusque-là à un difficile et long travail patient. Des actions parfois meurtrières face aux milices des colons et aux forces de répression, menées à diverses reprises comme le dit l’un des manifestants revolver contre revolver et matraque contre matraque. Tout cela aussi bien avant qu’après la constitution du Front populaire, la tenue du Congrès musulman et les premiers pas du PPA sur le sol algérien.

C’est à la lumière de ces actions qu’on comprend le mieux l’émergence du PCA et sa réalité sur le terrain. Elle se confirmera par exemple aux résultats des élections municipales d’Alger l’année suivante (27 juin 1937) dans la section «Indigènes» pour laquelle sur 2188 votants, face aux «notables et administratifs profrançais» qui recueillent 550 voix, la liste communiste en recueille 700 et la liste PPA 210.

Quand avec le recul du temps et de l’expérience, on examine cette année 1936, on constate tout ce qu’elle a apporté, qui contenait en germe les avancées nationales et sociales futures de l’Algérie. Mais aussi tout ce que les années suivantes n’ont pas permis de faire fructifier, en l’absence d’une unité d’action instaurée entre communistes du PCA, nationalistes du PPA et culturalistes des Oulama. Pourtant, les uns et les autres portaient, chacun à sa façon, une part des espoirs et des potentialités de notre peuple.

Ce n’est pas ici le lieu d’examiner les raisons, les enchaînements et les responsabilités de ces insuffisances. Chaque chose en son temps. J’estime pour ma part les responsabilités partagées, elles sont sources d’enseignements dont nombreux restent valables dans les conditions particulières d’aujourd’hui. Un meilleur démarrage aurait évité bien des déboires à chacun de ces courants organisés et surtout au mouvement national, social et anti-impérialiste dans son ensemble.

En attendant, PPA et PCA qui n’ont pas su ou pu s’unir à temps, seront «unis» par les colonialistes à partir de 1939 dans les prisons, où ils laisseront Kaddour Belkaim secrétaire du PCA mourir de tuberculose et où Mohamed Douar, traminot PPA élu triomphalement en avril 1939 aux élections cantonales d’Alger, succombera aussi, torturé à mort.

La lutte a continué.



Re: Le P.P.A. Parti du Peuple Algérien (Messaliste) [2501]

Arslane

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Posté le : 22/10/2006 à 09:10 (Lu 25025 fois)
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Le Parti du Peuple Algérien. PPA/ section de Tlemcen.



Re: Le P.P.A. Parti du Peuple Algérien (Messaliste) [2502]

Arslane

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Posté le : 22/10/2006 à 09:23 (Lu 25022 fois)
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par Djanina Messali-Benkelfat

Le retour de l’histoire et le retour d’une figure emblématique.
Permettez-moi tout d’abord de saluer cette rencontre et de féliciter Monsieur le Maire de Tours ainsi que toute son équipe pour avoir pris l’initiative de nous réunir dans sa magnifique ville en bord de Loire, cette lumineuse région à la douceur légendaire que les rois de France ont choisie pour construire leur plus beaux châteaux.
Cette initiative est d’autant plus louable qu’elle vient rompre le désagréable raidissement des relations entre nos deux pays depuis plusieurs mois. La loi promulguée en Février 2005 a été indubitablement le facteur déclenchant de ce climat. Certes, ce n’est pas le meilleur moyen d’écrire l’histoire !
L’histoire coloniale donc est en question en France. Elle l’est encore davantage en Algérie qui a connu, en cinquante ans, des ruptures, un régime autoritaire de parti unique auquel a succédé dix années de terreur sanglante pour, enfin, depuis 1999 et l’arrivée du président actuel aux affaires, l’ouvrir à une expérience démocratique qui semble prendre corps et que nous espérons tous voir s’affirmer davantage.
Sans rentrer ici, dans l’examen des fractures sociales qu’a subi l’Algérie, on comprendra que pour se réconcilier avec elle-même, elle a un besoin urgent d’accéder à son histoire. Jusqu’à présent, il y avait une histoire officielle qui servait à légitimer les pouvoirs en place qui se sont succédés. Depuis 1999, il y a une volonté politique d’encourager les historiens à faire leur travail.
Bien évidemment, il s’est agi pour le nouveau régime de sortir d’un nationalisme de guerre pour s’ouvrir à un nationalisme politique. Et c’est ainsi qu’on a vu ressurgir une figure emblématique, Messali Hadj, particulièrement à Tlemcen, sa ville natale.
Ce retour de l’histoire a été en quelque sorte officialisé, entre autres, par une stèle à son effigie, un aéroport qui porte désormais son nom, la parution dernièrement de ses mémoires publiées en France en 1982 et interdites à l’époque en Algérie ainsi que le dépôt d’une gerbe de fleurs, à Neuves-Maisons en Lorraine, sur la tombe d’Emilie Busquant, ma mère, adressée par le Président de la République à l’occasion de la commémoration de son centenaire.
On déplorera toutefois que cette reconnaissance symbolique se soit faite en évitant le nécessaire débat pédagogique. Il est de ce fait, hélas, regrettable que les deux et bientôt trois générations qui ont suivi l’indépendance ne sachent pas les causes profondes de son éviction brutale, les conséquences qui s’en sont suivies et les raisons aujourd’hui de sa place dans l’actualité.
En effet, trente ans après son décès, il a une actualité même dans les médias et toutes ces raisons ont amené Benjamin Stora, son biographe le plus connu, à rééditer sa biographie réactualisée. C’est bien la preuve donc que les valeurs dont il était porteur intéressent toujours l’opinion et c’est là l’essentiel. J’ai cependant remarqué que ce livre publié en édition de poche chez Hachette en 2004 n’est pas disponible dans les librairies de Tlemcen, la ville qui est au c½ur de cette semaine culturelle.
Cette partie de mon exposé était incontournable avant d’aborder l’homme et le long combat anticolonialiste dont il a été le pionnier. Pour en parler, il est indispensable de le placer dans le temps historique qui a été le sien. La vie de Messali Hadj s’est déroulée sur une longue période (1898-1974), marquée par deux guerres mondiales, la révolution d’octobre de 1917 et la lllème internationale communiste, le fascisme et les fronts populaires, la guerre froide et la fin des empires coloniaux.
Son histoire commence à un moment où le parti colonial s’impose en Algérie et s’achève avec l’effondrement de l’Algérie française. Ses engagements dépassent donc le cadre de la confrontation entre la France coloniale et le peuple algérien en lutte pour son indépendance. Ils s’inscrivent aussi dans une histoire sociale et politique plus large, celle de la France, de l’Europe, des pays arabes ainsi que dans le jeu des relations internationales du 20ème siècle.

Sa famille, son enfance et sa jeunesse.
Les vingt premières année de sa vie se passent à Tlemcen où il est né. Ces années constituent le socle solide de la construction de sa personnalité. Il est le fils d’une famille modeste, mon grand-père Hadj-Ahmed Messali, conduit une « diligence » entre Tlemcen et Remchi (ex Montagnac). Ma grand-mère, Ftéma Sari Ali Hadj-Eddine, est la fille d’un Cadi (juge musulman), membre de la confrérie des Derkaoua (confrérie religieuse d’origine marocaine fondée sur le puritanisme religieux, la pauvreté et l’hostilité à tous les pouvoirs en place). La famille Messali se compose de six enfants, un fils aîné, Ghaouti, quatre filles, mon père est l’avant dernier. Ce n’est qu’après le décès de sa mère et le mariage de la dernière petite soeur Zoulikha avec Hamadi Baghdadli que le jeune Hadj Messali se décide à quitter Tlemcen.
Originaires de Tlemcen depuis plusieurs générations, les Messali sont issus d’une vieille famille Mesli d’origine koulougli et, dit-on, venue de Mossoul (Kurdistan, nord de l’Irak). Nés de père turc et de mère algérienne, ils sont fiers de leur appartenance à l’aristocratie militaire installée dans les villes de garnisons après la conquête ottomane.
Le petit Messali reçoit une éducation traditionnelle en fréquentant aussi bien l’école coranique que l’école communale Descieux - ouverte aux enfants français et algériens - qu’il rejoint à sept ans. Ses instituteurs sont en 1905 déjà algériens et son premier maître est monsieur Benaboura. C’est avec application qu’il apprend les rudiments de la langue française puis les phrases simples et le calcul. Sa progression est rapide mais malheureusement il doit quitter l’école l’année du certificat d’étude parce que la situation familiale devient très difficile. En effet, sa mère le confie à son frère Si El Ghaouti Hadj-Eddine qu’il emploie comme apprenti commis dans sa grande épicerie. Et c’est dans cette épicerie qu’il rencontre parmi les clientes, une femme chargée de paquets qu’il aide spontanément en la raccompagnant chez elle. Il est alors reçu avec gentillesse chez cette dame et son mari qui est dentiste à Tlemcen. On le raccompagne à la porte en le remerciant. C’est la première fois qu’il pénètre dans une famille française et il est assez bouleversé par la considération qu’on lui a accordée. Ce couple sans enfants, M. et Mme Couetoux, devient pour lui une seconde famille. Auprès d’eux, il reçoit un soutien scolaire ainsi que son premier costume européen. Il raconte son aventure à ses parents qui voient cette relation d’un bon ½il, d’autant que, par ailleurs, il fréquente la zaouia des Derkaoua. Le jeune Messali n’oubliera jamais que la mission d’un « Derkaoui » n’est pas la richesse, la gloire ou le pouvoir, mais la justice et la liberté. Il est alors totalement intégré à la vie sociale de sa cité. Il pratique la gymnastique de compétition au sein de l’association sportive la « Tlemcenienne » avec laquelle il remporte de nombreux concours à Oran.
En 1911, un évènement considérable interpelle le jeune homme. A la suite de la décision de l’administration française d’imposer la conscription pour les jeunes Algériens musulmans, le Muphti Hadj Djelloul Chalabi prononce à la grande mosquée un prêche contre le service militaire obligatoire qui déclenche une grande manifestation dans les rues de Tlemcen, suivie d’un exode (El Hijra) de 140 fidèles vers la Syrie. Mobilisé en février 1918, Messali Hadj rejoint Bordeaux via Oran où il retrouve Mme Couetoux qui a perdu son mari entre temps et tient une pension de famille. Elle lui fait ses dernières recommandations.
C’est son premier contact avec la province française : il remarque la richesse de la campagne bordelaise qu’il compare à la pauvreté des fellahs algériens. Ce jeune homme en éveil s’inscrit en auditeur libre à la l’université de Bordeaux pour apprendre l’arabe et assister à des cours de culture générale. Il a vingt ans et la guerre continue de faire rage. Il en parle dans ses mémoires : « La guerre durcissait ses méthodes de violence pour soi-disant imposer la paix ». Il lit régulièrement la presse et apprend ce qu’il qualifie de « reddition de l’empire Ottoman ». Il est indigné par la « défaite de la Turquie et de l’Islam » sans en mesurer pleinement les conséquences.
A l’occasion d’une permission, il retourne à Tlemcen et retrouve avec joie tous les siens. Un soir alors qu’il est en grande discussion au sujet de la guerre et des évènements de Turquie avec ses amis au café Tizaoui où la jeunesse Tlemcénienne se retrouvait pour écouter de la musique andalouse, arrivent quelques officiers français qui s’attablent. Soudain, il se sent dans l’obligation de s’exprimer. Vainquant sa timidité, il monte sur une table et de sa voix la plus forte s’exclame : « Vive Mustapha Kémal ». L’agent de police qui fait les cent pas dans la rue dresse un procès verbal et il sera convoqué au commissariat. Ce sera son premier interrogatoire par la police.
Du gamin d’Errhiba au jeune homme qu’il est devenu, la mutation est effective. Elevé dans une famille pauvre mais très unie et très digne, dans une ville au passé historique et culturel très riche, Messali a trouvé les meilleures conditions pour se construire. La force intérieure qui se dégage déjà de lui frappera tous ses interlocuteurs. Elle vient de cette aptitude à rester enraciné dans sa culture, sa société, son terroir, tout en s’ouvrant pleinement à tous les courants de pensée et à toutes les expériences. Dès lors, il peut voler de ses propres ailes et quitte définitivement Tlemcen.

L’engagement politique et la création de l’Etoile Nord Africaine.
Messali Hadj arrive à Paris le 13 Octobre 1923, il a 25 ans. En trois ans, il se rapproche de ses compatriotes émigrés, des communautés coloniales, puis de ce qu’on appelle à l’époque le « Paris Arabe ». Il s’inscrit à la Sorbonne, au Collège de France et à l’Ecole des Langues Orientales en auditeur libre. Il retrouve Mme Couetoux qui s’est repliée en France et c’est chez elle qu’il fait la connaissance d’Emilie Busquant, une jeune Lorraine issue d’une famille ouvrière anarcho-syndicaliste qui deviendra sa compagne et une militante exceptionnelle d’un soutien qui fit l’admiration de tous. C’est avec elle qu’il s’introduit dans le milieu syndicaliste et dans le parti communiste où ils font leur première éducation politique.
En Juin 1926, avec Hadj Ali Abdelkader, il constitue la première Etoile Nord Africaine qui se fixe pour objectif l’indépendance de l’Afrique du Nord et en devient le secrétaire Général. L’année suivante, un évènement très important va le propulser dans la sphère internationale. Représentant l’Etoile Nord Africaine, il participe au congrès anti-impérialiste de Bruxelles le 10 Février 1927. Il fait un discours retentissant qui dure quinze minutes, vigoureusement applaudi dans la partie où il est question des revendications immédiates et du programme politique. Pour la première fois, il revendique l’indépendance de l’Algérie et de l’Afrique du Nord devant les représentants de cinq continents parmi lesquels Nehru pour l’Inde, Mohamed Hatta pour l’Indonésie, El Bacri pour la Syrie, Lamine Senghor pour le Sénégal. On remarque également la présence de Albert Einstein et d’Henri Barbusse. Ce discours fait sensation et Messali est promu au rang de dirigeant politique car, à l’issue du congrès, il figure au comité exécutif provisoire du présidium de la Ligue anti-impérialiste. Dès lors, son engagement politique est définitif.
Les retombées de se discours seront multiples. Le Parti communiste français (PCF) prend ombrage du succès de Messali mais plus encore de la force des revendications exprimées et c’est la rupture définitive avec l’ENA qui prend son indépendance. On peut dire que dorénavant, c’est le début d’une rivalité et d’une lutte sans merci qui marque les principales étapes de la vie politique.
En 1929, l’Etoile est dissoute, elle compte 4000 militants, Messali a 31 ans, il s’est imposé à la tête de son organisation. Sur fond de grande crise économique, les militants sont démobilisés. Pour relancer l’activité politique, il rédige un mémoire destiné à la Société des Nations à l’occasion du centenaire de l’occupation de l’Algérie. C’est un pavé dans la mare de la célébration des fêtes du centenaire au milieu des discours d’élus musulmans qui rivalisent d’éloges sur la présence française et dans lequel il fait le procès de la colonisation. La nécessité de créer un journal s’impose à lui et en Octobre 1930 El-Ouma, voit le jour. Il est diffusé en Algérie et des comités de soutien se créent à travers tout le pays pour en assurer le financement.
Cette activité intense qui va encadrer l’émigration des faubourgs de Paris, de la région lyonnaise, du nord de la France, de Clermont-Ferrand est suivie de près par les services de police qui ne tardent pas à déclencher une répression féroce sur les responsables de l’Etoile. En France, on assiste à la montée des ligues fascistes et Messali Hadj rencontre pour la première fois Daniel Guérin à la Fédération de la Seine du Parti socialiste, où il vient porter l’adhésion et le soutien de l’ENA dans l’organisation des manifestations de Février 1934. Il rencontre par la même occasion Marceau Pivert et Me Jean Longuet (petit fils de Karl Marx) qui devient son avocat puisque le 1er Novembre 1934, il est pour la première fois arrêté et incarcéré à la prison de la Santé jusqu’au 1er Mai 1935.
Paris prépare les élections législatives dans la fièvre révolutionnaire, les occupations d’usines et l’ENA participe avec la classe ouvrière à toutes ces manifestations. La Cour de Cassation rejette le pourvoi sur la légalité de l’ENA. Aussitôt, les principaux responsables sont arrêtés, Messali rentre dans la clandestinité et décide de se réfugier à Genève en Décembre 1935 où il va faire la connaissance de Chékib Arslan. A ce moment là, l’ENA a le soutien et l’appui du mouvement ouvrier français et désormais, elle pourra compter avec Chékib Arslan à la solidarité du monde arabo-islamique.
Avec la victoire du Front Populaire aux élections, Léon Blum remplace Albert Sarraut, les accords de Matignon ont lieu le 7 Juin. Messali écrit dans El-Ouma, en rappelant le combat mené par les Nord-africains dans le cadre du Front Populaire contre le fascisme et l’impérialisme : « La sympathie et la confiance de dix huit millions de Nord-africains…… Si la France du travail sait prendre en considération nos revendications et nos aspirations nationales, elle trouvera en nous des amis sincères, dévoués et prêts à collaborer avec elle pour le progrès et la civilisation et elle pourra compter sur notre dévouement et notre sacrifice pour la défense de nos grands pays. »
Début Juin, Messali Hadj est amnistié et le 17 il rentre à Paris. Le 2 Août 1936, il se rend à Alger pour porter la contradiction, dans un meeting du Congrès Musulman qui regroupe l’association des Oulémas, le PCA, la Fédération des Elus qui soutiennent la politique d’assimilation. C’est l’occasion pour lui de présenter son programme :
- L’indépendance totale de l’Algérie.
- Le retour total des troupes d’occupation.
- Constitution d’une armée nationale, d’un gouvernement,
- D’une assemblée constituante élue au suffrage universelle
- Le suffrage universel à tous les degrés et l’éligibilité dans toutes les assemblées pour tous les habitants de l’Algérie.
- La langue arabe considérée comme langue officielle.
- La remise en totalité à l’Etat algérien des banques, des mines, des chemins de fer, des forts et services publics accaparés par les conquérants.
- La confiscation des grandes propriétés accaparées par les féodaux alliés des conquérants, et la restitution aux paysans des terres confisquées. Le respect de la moyenne et petite propriété. Le retour des terres et forêts.
- L’instruction gratuite obligatoire à tous les degrés en langue arabe.
- La reconnaissance du droit syndical, de coalition et de grève, l’élaboration des lois sociales.
- Aide immédiate aux fellahs pour l’affectation à l’agriculture de crédits sans intérêts pour l’achat de machines semences, etc…

Avant de quitter la tribune, il prend symboliquement une poignée de terre et en la brandissant vers le public, proclame qu’elle n’est pas à vendre. Cette période passionnante qui porte la gauche française au pouvoir – il aurait été intéressant ici de développer un peu plus -- a été le creuset politique de l’organisation du mouvement national algérien indépendantiste. Hélas, une majorité de Français et d’Algériens l’ignorent. Ses liens et ses amitiés politiques s’enrichiront au cours des années et Messali Hadj les qualifiera « les amitiés des bons et mauvais jours. »
Le temps malheureusement qui m’est imparti, va m’obliger d’évoquer seulement les principales étapes qui jalonnent la suite de son parcours militant.

Le PPA, le MTLD et sa crise jusqu’à la création du MNA.
L’Etoile Nord Africaine en fin de compte sera dissoute par le Front Populaire sur la pression du parti communiste qui trouve son programme trop radical parce que l’Etoile rejette le projet Blum-Violette qui propose la nationalité française à 21000 Algériens. Quant à la droite, elle estime qu’il s’agit d’une bande d’agitateurs indigènes….. !
C’est ainsi qu’à Nanterre, va naître le 11 Mars 1937 le Parti du Peuple Algérien (PPA) qui garde le même programme et regroupe désormais les pionniers de l’ENA. Le PPA va traverser la Méditerranée et s’implante à travers toute l’Algérie. Il va former et organiser une nouvelle génération d’Algériens. L’histoire retiendra qu’il forgea la conscience nationale du peuple algérien.
Le 17 Mars 1941, Messali est condamné à Alger par les tribunaux vichystes à vingt ans de travaux forcés qu’il effectue au bagne de Lambèse, à vingt ans d’interdiction de séjour, à la dégradation civique, à la confiscation de ses biens présents et à venir. Puis il est déporté dans le sud algérien puis à Brazzaville. De ces années terribles, il dira à son retour en 1946 : « J’ai passé des années à la prison de Lambèse qui fut construite pour recevoir les communards de 1871 déportés par M. Thiers. Les prisons demeurent, la lutte pour la liberté continue et il est symbolique que dans sa répression, l’impérialisme associe par ce pèlerinage à Lambèse notre cause à celle des communards dont le souvenir est resté vivace chez le peuple français. »
La 2ème guerre terminée, le sort des Algériens n’a toujours pas progressé. Messali est déporté, les masses populaires se soulèvent et c’est le massacre du 8 Mai 1945.
Il crée en 1946 un nouveau parti, le MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques), le PPA demeure clandestin et la décision de créer une branche paramilitaire est prise en Février 1947.
Les années 50 sont annonciatrices d’évènements graves qui se greffent sur une crise politique qui va disloquer le PPA-MTLD entre centralistes (membres du comité central et messalistes). Messali reproche à la direction du parti son attentisme et sa déviation réformiste au moment où des maquis s’organisent au Maroc et en Tunisie et la direction trouve comme parade de dénoncer l’autoritarisme du président du parti et son utilisation du culte de la personnalité alors qu’il est en déportation.
Cette crise majeure pour les initiés et les historiens est considérée comme l’évènement le plus important de l’histoire de l’Algérie car ses conséquences vont décider irrévocablement des options chaotiques et des déchirements dont souffre jusqu’à aujourd’hui le pays.
Sans la développer ici dans les détails, il y a deux ou trois choses à dire pour comprendre les enjeux et je les puiserais dans la biographie que Mohamed Harbi a consacrée à Messali Hadj dans la série les « Africains » dirigée par Charles-André Julien, éditée chez « Jeune Afrique » en 1978. Je le cite :
[ ....En mars 1950, une délégation composée du Dr Francis, dirigeant de l’UDMA (Union du Manifeste Algérien de Ferhat Abbas, ministre des finances du GPRA (1958-1961), ministre des finances (1962-1964), de Me Boumendjel dirigeant du même parti, membre du conseil national de la révolution (CNRA, 1957-1962), ministre des travaux publics (1962-1964) et Cheikh Larbi Tebessi, porte-parole des Oulémas, se rend à la Bouzaréah auprès de Messali pour lui proposer l’union des mouvements nationalistes à l’occasion des élections législatives de Juin. Elle y met un certain nombre de conditions :
- la dissolution de l’appareil clandestin du PPA-MTLD ;
- la condamnation officielle du terrorisme passé et à venir ;
- la cessation de toute relation avec la Ligue arabe et les organisations anti-impérialistes ;
- la dissociation des problèmes algériens et des problèmes tunisiens et marocains.
Le Dr. Mostefaï (membre de la direction du MTLD 1947-1951, représentant du FLN en Tunisie 1958, puis au Maroc 1960-1962, membre de l’exécutif provisoire, signataire au nom du FLN des accords avec l’OAS), se prononce au comité central pour l’acceptation de ces exigences et en fait une condition de sa candidature aux élections. Une altercation avec Messali s’en suit. Désavoué par le comité central, le Dr. Mostefaï quitte le MTLD et entraîne avec lui trois membres de la direction. Le projet légaliste ne meurt pas avec leur départ. Il resurgira avec plus de force dès 1953. Interdit de séjour en Algérie, le 14 Mai 1952 Messali était en résidence surveillée à Niort, en France. Il y a été déporté à la suite d’une tournée triomphale faite malgré la direction de son parti. Inquiet des tendances qui s’y développent, désireux de rejoindre la Tunisie et le Maroc dans la lutte et d’internationaliser la question algérienne, Messali cherche à mobiliser le peuple par-dessus la tête de l’appareil. Son exil, loin d’atténuer les divergences qui l’opposent à la direction soutenue par le comité central, les exacerbe. On voit dès 1952, à la lecture de son journal, l’impatience le gagner. Désespérant de gagner à ses vues la direction, « véritable bureaucratie avec ses fonctionnaires, ses téléphones, ses pachas, ses chaouchs… », il porte le conflit qui l’oppose à elle devant les militants, dénonce sa politique « de facilité et de compromission », son « silence[….] sur les évènements qui se déroulent en Tunisie et au Maroc », son abandon des principes révolutionnaires et son refus de tirer des leçons des tentatives d’union avec les autres partis algériens. En l’espace de trois mois, l’écrasante majorité des militants rejoint les positions de Messali…..]
Cet extrait du texte de Mohamed Harbi illustre parfaitement qu’il s’agit bien d’une crise politique qui remet en cause tout le programme du parti et Messali va se battre jusqu’au bout pour le défendre. A cet égard, Mohamed Harbi écrira toujours dans cette même biographie : « […. Derrière l’accusation de culte de la personnalité, il y avait une démarche réformiste qui se cachait. Tous les ralliés au FLN entre 1954 et 1956, réformistes impénitents, trouvaient ce reproche bien commode pour masquer leurs errements d’avant novembre 1954 et rendre Messali responsable de la désunion des partis nationalistes.
Cette crise s’amplifie, se termine par une scission et un congrès messaliste se tient à Hornu en Belgique qui décide de l’engagement de la lutte armée. Entre temps, une branche activiste à l’insu des protagonistes déclenche le 1er Novembre 1954. C’est le début de ce qu’on appelle pudiquement en France « les évènements d’Algérie » et ce que le peuple algérien appelle la « guerre de libération nationale ».
La répression est immédiate : le MTLD dissout, toute l’organisation est mise en prison, Messali Hadj au secret mais il parvient à lancer à ses compagnons le mot d’ordre de rejoindre les maquis.
Une nouvelle organisation rivale apparaît, le FLN. Messali crée le MNA (Mouvement National Algérien) qui garde toujours le même programme avec la constituante élue au suffrage universel.
Les deux organisations vont s’affronter tragiquement en France et en Algérie, le point culminant de cet affrontement est le massacre de Melouza. Les historiens avancent le chiffre de 10.000 morts. A cet égard, Mohamed Harbi dira : « …. Les responsabilités du FLN dans ce drame ne sont pas minimes…]
Le programme du FLN est différent : il n’est pas question de Constituante et le mouvement se déclare le représentant exclusif du peuple algérien. Il rallie à lui brutalement le reste de la classe politique algérienne de l’époque, la gauche française fait sa promotion à l’exception des Trotskystes de l’OCI (l’Organisation Communiste Internationaliste) et de l’aile gauche du Parti socialiste. Le soutien de l’Egypte, principal pays arabe, lui est accordé non sans des visées de leadership.
En 1961, Messali ne sera pas convié aux négociations d’Evian mais sera invité lorsque les négociations seront en panne. Il refuse alors d’y participer. Après l’indépendance, il crée le nouveau PPA qui est interdit en Algérie. Ainsi commence pour lui une longue traversée du désert dans l’isolement. Le gouvernement algérien, après l’indépendance, ne se glorifiera pas en lui refusant ses papiers d’identité qui ne lui seront remis qu’en 1973.

En 1970, il rédige ses mémoires mais la maladie a raison de lui, il n’en terminera pas la rédaction. Il s’éteint le 3 Juin 1974 à Paris et la mort allait l’arracher à l’exil pour le rendre à Tlemcen, sa ville natale qui, malgré l’hostilité du pouvoir, lui réservera des obsèques grandioses. Mohamed Harbi écrira dans sa biographie : « […. Les calomnies de ses compatriotes l’ont davantage éprouvé que la persécution colonialiste….]
De son côté, Benjamin Stora dans sa biographie citée précédemment écrira en conclusion : « [….. L’histoire retiendra essentiellement qu’en prenant la responsabilité de la rupture avec les centralistes, en appelant directement la base à se soulever contre ses dirigeants, en mettant un terme à l’évolution réformiste, en formant par son intransigeance des cadres éprouvés, Messali a frayé la voie au déclenchement de la lutte armée. Car, dans le combat livré, l’élément le plus important était que Messali représentait une tradition depuis la création de l’Etoile Nord Africaine, pour la Constituante souveraine. Et ce fut à se titre qu’il constitua un obstacle pour ses adversaires. Par la bataille livrée pour l’indépendance de son pays, l’aspiration au bien collectif, il reste, en dépit de l’occultation dont il est encore l’objet, un homme d’une stature exceptionnelle dans l’histoire de l’Algérie contemporaine.

Montréal, le 16 Avril 2006.
_______________________

Biographie :
Djanina Messali-Benkelfat
Fille de Messali Hadj, Mme Djanina Messali-Benkelfat est, depuis des décennies, au c½ur du travail autour de la mémoire de son père. Née à Alger en 1938 à la veille de la création du Parti du peuple algérien (PPA, parti indépendantiste), elle a accompagné le leader nationaliste dans son combat politique. Très jeune, elle s’est attachée à se substituer à Emilie Brusquant, sa mère, qui les a quittés prématurément.
Son attachement à son père et sa proximité avec sa quotidienneté militante en a fait le témoin par excellence de son cheminement politique. « Je ne suis pas historienne mais témoin ‘’historique ‘’ », aime-t-elle répéter au gré des opportunités. Un témoin dont la mémoire préserve -- au détail près – la trajectoire du père fondateur du mouvement national algérien.
En 1998 et en 1999, elle a animé, avec le concours de vieux amis politiques, de syndicalistes français, d’anciens militants algériens et de nombreux historiens, une association. Objectif de l’initiative : la commémoration du centenaire de la naissance de Messali Hadj.
Temps fort de la commémoration, un colloque a été organisé avec la participation d’historiens et en présence de l’ambassadeur d’Algérie à Paris. Lequel a lu un message du Chef de l’Etat, un hommage appuyé de Abdellaziz Boutéflika au rôle de Messali Hadj. Cette « première « a eu un retentissement.
Depuis, Mme Messali-Benkelfat multiplie les interviews et participe à des conférences et colloques dans le cadre d’une démarche plurielle de la récriture de l’histoire tant en France qu’en Algérie.


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